Exposition

Madame la baronne était plutôt maniérée, assez rococo et totalement baroque - Acte 1

du 20 janvier au 8 avril 2006

commissaire : Émilie Renard
« Acte 1 » avec Lili Reynaud Dewar, Christelle Familiari, General Idea, Anita Molinero, Michelle Naismith, Vincent Mauger, Mai-Thu Perret et Alexander Wolff.

« J’appellerais baroque le style qui épuise délibérément (ou tente d’épuiser) toutes ses possibilités, et qui frôle sa propre caricature, (...) l’étape finale de tout art lorsqu’il exhibe et dilapide ses moyens. » Jorge-Luis Borgès, Histoire de l’infamie, 1954

Les trois expositions sont autant de tentatives de dresser le portrait de la Baronne de Mira Phalaina. Ce titre excessif décrit un personnage au caractère outrancier, frôlant la caricature et l’autodérision. Cette femme n’est pas aristocrate, elle est simplement baronne des expositions comme on est un « baron de la finance ». Son titre de noblesse, signe distinctif à la fois révérencieux et désuet, désigne un personnage inaccessible, mythique et quelque peu suranné.

Transposé dans le format d’une exposition, l’aspect baroque des procédés artistiques déployés pour portraiturer la baronne est plus proche de la définition qu’en donne Borgès que de l’esthétique précise de cet art de l’Europe du 17e siècle. De cette période, il s’agira plutôt de puiser certaines bizarreries, un goût pour la complexité, l’ornementation et les postures outrées. Ici, le baroque est un style transhistorique. Il se manifeste dans un art qui abuse de ses procédés stylistiques, use immodérément de maniérismes de fabrique, se distingue par une sophistication matérialiste et son souci du détail, ne craint pas la dépense, renouvelle ses sources d’inspiration, épuise ses moyens de production et enfin, frise une forme d’humour sur ses propres impasses.

Plus qu’un simple caprice qui consisterait à convoquer un certain exotisme puisé dans l’histoire de l’art, les trois expositions sont des lieux de déclinaisons stylistiques fondées sur des procédés baroques et trouvent leurs fondements dans l’observation de pratiques artistiques actuelles. Ces pratiques font dériver des esthétiques minimale ou conceptuelle économes et méthodiques, la mise en scène précise de narrations fantasmagoriques, des résurgences de micro-contextes, des épiphénomènes anecdotiques aux identités hyper spécifiques. Leurs manifestations semblent surchargées de significations tout en préservant un certain hermétisme. Elles sont également singulières, imaginatives et propices à la rêverie. Il ne s’agit donc pas, dans ces expositions, d’entretenir un pur formalisme de fabrique mais de voir se déployer des pratiques hors cadres.

L’hypothèse d’un portrait en trois expositions qui traite de styles artistiques comme de traits de caractères suppose que des œuvres entretiennent une relation privilégiée avec la Baronne de Mira Phalaina, comme si chacune d’elles était le reflet d’un état d’âme particulier. Les expositions se présentent à la manière d’une collection d’objets qui reflètent des choix, un sens, un ordre précis que la baronne attribue aux œuvres. Ces mondes bien organisés obéiront sans doute à quelques principes obscurs et arbitraires qui lui sont propres. Ainsi les trois expositions forceront quelque peu les traits de ce personnage car elle ne craint pas d’être paroxystique, voire lunatique ni de livrer généreusement ses secrets de fabrique. C’est à ce point de surexposition que se risquera la baronne par un effet d’accumulation, de surenchère, de surexploitation des données brutes de son existence. La dame, amateur en tous domaines, a une grande capacité d’assimilation des modèles artistiques, des formats et des matériaux. Car s’il est une propriété particulièrement baroque, c’est bien celle de la divergence des types de récits et des voix qui les énoncent. Les expositions se présentent alors comme une série d’emboîtement de récits les uns dans les autres.

 Voir le reportage réalisé par TVM

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