Plutôt que rien : démontages

Aurélien Mole

samedi 22 janvier 2011

samedi 22 janvier : Aurélien Mole

Repris(e)

Montage : de 10 h à 10 h 10
Démontage : de 16 h 50 à 17 h

Aurélien Mole présente Repris(e), une action mettant en scène un portrait de Jean-Michel Basquiat qui vaut autant par celui qui y figure que par l’histoire de son support. Ce portrait encadré est le résultat d’un acte illégal commis par l’artiste dans un lieu de consécration, et qu’il transforme en un acte artistique éphémère dans un lieu de la périphérie. Aurélien Mole est sorti du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris avec sous le bras, très certainement caché dans un livre ou une pochette, la page arrachée de l’exemplaire de consultation de l’exposition Basquiat. Une page dont l’encre est effacée sur toute la hauteur gauche, à force d’être feuilletée par les milliers de visiteurs qui se sont succédés au pupitre, et dont le côté droit porte la cicatrice de l’arrachement. Dans la production de ce « ready-made » qui transorme le support de consécration d’un artiste icône en une œuvre sobre et ambivalente, Aurélien Mole se positionne comme le témoin critique de la machine historique qui consacre avec le temps tout ce qui contribue à remuer l’inconscient collectif : ici, le rêve d’une origine sauvage perdue. Basquiat est photographié très jeune (19 ans), une coupe à l’iroquoise, en gros plan et en noir et blanc, regardant vers la droite, avec une règle de mesure lui barrant le front. On croirait au relevé anthropométrique d’un spécimen d’une race dont on étudierait scientifiquement les caractéristiques, ou d’un criminel (un repris de justice, comme pourrait le laisser croire le titre ?). Cette image évoque le rapport complexe de l’Occident aux autres cultures et, totalement maîtrisée par l’artiste, place délibérément ce dernier dans une position aliénée. Une vision prémonitoire de l’utilisation par le marché de l’art de son image.
Cette Repris(e) est peut-être pour Mole l’occasion de soustraire – de reprendre – l’icône à son bain mystificateur, l’exposition du MAM, dans laquelle elle ne pourra être autre chose que sa propre confirmation. Elle l’autorise à relire l’histoire à partir de ce geste simple effectué par Basquiat avec la complicité du photographe : celui de l’artiste qui sait déjà comment son identité d’artiste sera travaillée par la postérité et qui entend bien en jouer.

Dans le dispositif de Plutôt que rien : démontages, Aurélien Mole a choisi de présenter ce portrait en même temps qu’il met en place sa médiation par le biais d’un texte écrit par lui-même dès l’œuvre accrochée et rendu disponible dans l’espace d’exposition. L’artiste emprunte les codes de la diffusion de l’art, et notamment la présence dans toute exposition d’un outil pédagogique qui permet d’en obtenir les clés. Mais il propose en réalité sous un même titre générique « Un texte de médiation » deux textes différents qui sont autant de lectures d’une même œuvre, en inversant l’ordre de deux paragraphes qui décrivent l’œuvre : l’un commence par un paragraphe sur le support de l’œuvre et son histoire (la page arrachée), l’autre commence par un paragraphe décrivant le portrait lui-même.
A ceux qui ne seraient pas allés sur place le 22 janvier, Aurélien Mole dérobe ces deux textes et ne montre du portrait encadré qu’une vision lointaine, celle que restitue la webcam.

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