Pllutôt que rien : démontages

P. Nicolas Ledoux

jeudi 3 février 2011

jeudi 3 février : P. Nicolas Ledoux

Au coin du feu

P. Nicolas Ledoux aurait voulu que le protocole de Plutôt que rien : démontages propose une accumulation des œuvres au gré des jours d’exposition et non leur disparition systématique le soir après avoir été installées dans la journée. Intéressé par la perturbation créée par des voisinages non désirés, il aurait aimé que chaque artiste ait à négocier la présence de son œuvre dans l’encombrement ainsi généré. Bien entendu, les artistes de la fin auraient eu plus de difficulté à faire le vide autour de leur pièce que ceux du début.

Cette règle du jeu pourrait faire l’objet d’une autre expérimentation très certainement passionnante par les situations qu’elle provoquerait : les artistes devraient contribuer à manipuler et interpréter les œuvres des autres, plus ou moins fragiles, plus ou moins percutantes, tenter de s’en débarrasser ou réorganiser l’espace de manière à assumer un ensemble dans lequel la leur trouverait sa visibilité et son sens…

P. Nicolas Ledoux a donc essayé de concrétiser cette idée en persuadant les artistes voisins de son intervention de laisser s’accumuler les œuvres : Julien Discrit, la veille, a laissé sa HP matricielle et Guillaume Aubry le lendemain, a accepté de réaliser son œuvre-action « Les trois sœurs » dans un espace déjà habité par les installations des deux artistes précédents : une imprimante, un coin cheminée. C’est le collectif &nbsp qui, le surlendemain, a éprouvé le besoin de faire place nette et de retrouver le white cube, sans lequel sa proposition n’aurait pas trouvé sa justesse. Et c’était pour le mieux, car l’exposition commençait à prendre une tournure normale de group show !

Avec Au coin du feu, P. Nicolas Ledoux déjoue l’ostentation constitutive de toute exposition, recréant dans un angle du centre d’art plongé dans la pénombre un coin cheminée cosy, où le visiteur peut s’installer et goûter l’intimité et la chaleur (symbolique) d’un foyer artificiel. Ainsi, l’œuvre implique de tourner le dos aux spectateurs, adhérents de passage ou internautes, se repliant sur un micro-espace à l’attraction étrange, comme si le feu, de sa présence fascinante bien que factice, et les coussins disposés sur un tapis moelleux, parvenaient à ramener à eux l’espace entier.

Le proximité amicale de Marcel Duchamp, et de ses propos doucement enrobés par des bribes de musique planante et le crépitement des flammes, déplacent le centre d’art entier dans un salon du 38 West de la 10e rue à New York, en 1961, où un feu nous réchauffe en même temps que les accents de sa voix. Dans ce montage sonore créé par Ledoux, Duchamp nous parle en toute intimité de la place de Paris et de New York en matière de création artistique, du nouveau statut de marchandise de l’œuvre d’art, des notions de succès et de grand public, apparues après guerre, de l’élasticité du temps, de l’incapacité de ses contemporains à juger leur époque, et du côté « sympathique » de la vie qui consiste à ne pas savoir ce qui se passe.

Le temps d’un jour, le centre d’art adopte une identité inédite, entre la caverne préhistorique et le petit salon et depuis la webcam, des ombres mystérieuses se découpent sur la lueur du foyer qui semble bien vivant. Jamais white cube n’avait connu pareille transformation.

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