Séminaire

Monde médical et construction des normes

mercredi 5 décembre 2007 à 20 h

conférence et débat

en présence de Vincent He-Say, co-fondateur du Groupe activiste trans [GAT] et de la radio Bistouri oui-oui, Andréa Linhares, psychanalyste, Valérie Marange, philosophe, Tom Reucher, psychologue clinicien, travaillant sur les questions transidentitaires et intersexes.

modération par Annie Agopian

Trans : une identité politique

par Vincent Hesay, co-fondateur du Groupe activiste trans [GAT] et de la radio Bistouri oui-oui.

On le dit : Être trans’ c’est « avoir la conviction délirante d’appartenir au sexe opposé ».
Ça n’est qu’une vulgaire et banale histoire de femme enfermée dans un corps d’homme et inversement.
C’est un parcours fait à coups d’hormones et de bistouri. Tout le monde le dit.

Et pourtant, personne ne saurait sérieusement définir ce qu’est un homme, ce qu’est une femme.
Ni la médecine, ni la justice et encore moins la philosophie ou la psychanalyse.

Les trans’ font peur.
Les trans’ font si peur que leur psychiatrisation (justifiée ni sur le plan clinique psychique ou somatique) est une décision politique pour maintenir l’ordre établi.
Les trans’ font même tellement peur que la transphobie n’est pas condamnable au regard de la loi.
C’est donc bien pour être contrôlées, formatées et donc réprimées que les trans’ sont psychiatrisées.

Être trans’ c’est contester l’assignation de force dans une classe de sexe à la naissance.
Être trans c’est faire de son corps, son identité, sa sexualité des outils de résistance contre « le complot straight » (la différence des sexes érigée en vérité pour justifier la domination d’une classe de sexe sur une autre).
Être trans’ c’est transgresser les normes établies.

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Photo prise à la manifestation annuelle trans’
Paris 6 octobre 2007

Discours sur le corps et médecines du sexuel

par Andréa Linhares, psychanalyste

L’argument de ce cycle de conférences souligne à quel point il n’y aurait pas de vérité pré discursive à la chair. Ce serait alors à partir et grâce au discours que le corps existe en tant que tel. En tant que psychanalyste je voudrais mettre l’accent sur la dimension inconsciente qui participe à ce discours qui voile et fabrique la chair.

Pour cela, je m’appuierai sur certains textes médicaux anciens qui peuvent, me semble-t-il, nous apprendre beaucoup sur notre rapport, non seulement à la maladie et à la mort, mais aussi au corps en tant qu’objet sexué et « genré ». En effet, certains de ces textes donnent des éléments de réflexion précieux sur ce qui soutient des interventions médicales dans des domaines qui dépassent celui de la santé physique (tels que chirurgie plastique, méthodes d’insémination artificielle, traitement hormono-chirurgical).

Dans ce contexte, il ne s’agira pas tant pour moi d’analyser les demandes adressées à la médecine (demande transsexuelle, demande en chirurgie plastique, etc.), ni de la psychopathologie qui leur serait ou pas attribué ; mais surtout, il s’agira de tenter de saisir « la raison », la logique, sur laquelle s’appuie la médecine elle-même quand elle s’écarte du traitement des maladies physiques, notamment quand elle s’occupe du corps sexué. Il sera alors question de chercher dans le discours médical précisément ce qui lui échappe, ce qui échappe à la rationalité scientifique et à la pensée consciente, et d’accorder à ces « restes » leur valeur d’énigme et leur lien à l’inconscient. Car, ce sont justement ces reliquats inhérents à toute parole qui nous renseignent sur notre rapport inconscient au corps et au sexe, qu’on soit médecin ou non, transsexuel ou pas.

 dernière publication d’Andréa Linhares

  • Le geste subjectile ou la création d’un reflet pour soi, Figures de la psychanalyse, « Logiques du corps », éd. Eres, Paris, 2006.

Quand la médecine décide des « normes » des sexes, des genres et des sexualités

par Tom Reucher, psychologue clinicien, travaillant sur les questions
transidentitaires et intersexes
.

En matière de genre et de sexualité, le monde médical a repris les valeurs religieuses. Il a contribué à ériger en « norme » ce qui n’était que la majorité en fonction des valeurs morales en cours dans les sociétés occidentales (Europe, Amérique du Nord).

Concernant les changements de sexe, des équipes médicales hospitalières ont mis en place des protocoles discriminatoires visant à « fabriquer des trans’hétérosexuels » après leur transition.

Concernant la déclaration du sexe à la naissance qui ne reconnaît que deux catégories, toute apparence génitale non conforme à l’un des deux sexes majoritaires est “rectifiée” chirurgicalement quelques jours ou quelques semaines après la naissance. Nombre de personnes intersexes sont ainsi mutilées génitalement lorsqu’elles sont bébés sans qu’on sache quel développement psychologique va prendre son identité sexuelle.

Le but est de conforter les « normes » selon lesquelles il n’y a que deux sexes, deux genres et deux attirances amoureuses et sexuelles.

Cette présentation sera illustrée par quelques cas cliniques.

 dernière publication de Tom Reucher :

  • Quand les trans deviennent experts. Le devenir trans de l’expertise, in Multitudes, n° 20, printemps 2005, pp. 159-164.
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Photo prise à la manifestation annuelle trans’
Paris 6 octobre 2007

lire les articles en ligne sur le site de mouvements

Normativité, puissance de vie, normopathie

par Valérie Marange

La philosophie de la médecine rassemblée par l’œuvre de Ganguilhem, reprise et démultipliée ensuite dans l’œuvre de Foucault, nous apprend notre implication intime dans la question de la norme. Nous ne pouvons nous en défaire, simplement parce que nous sommes vivants, et qu’un être vivant ne saurait être indifférent à sa propre puissance de vie, et donc s’abstenir de toute évaluation. Reste à la penser cependant, c’est à dire à ouvrir la perspective que nous pourrions penser ou vivre différemment cette question, en évitant le piège de son objectivation. Nul ne sait ce que peut un corps, la petite santé peut ouvrir à la « grande santé ». L’institution -médicale- entre autres être pathogène ou « normopathe ».

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