samedi 5 février 2011
NULLUS ENIM LOCUS…
Démontage : quelque part entre 21 h la veille au soir et 9 h le matin
Montage : de 10 h à 14 h
Remontage : de 15 h à quelque part avant 9 h le lundi au matin
NULLUS ENIM LOCUS…
(du Nullus enim locus sine genio est – Nul lieu qui nʼait son génie propre – , que grava dans une plaque dʼacier en 1969 Gulio Paolini, à la suite dʼEdgar Allan Poe qui cite ainsi Servius dans Les Nouvelles Extraordinaires, en exergue de LʼIle de la Fée*)
– Un forgeron est là, dit Ogotemmêli, avec son enclume. Il est placé devant celui qui va manger le foie.
– Qui va manger le foie ?
– Le plus vieux des hommes « impurs ».
– Pourquoi un « impur » ?
– Parce que le sacrifice a lieu sur une terre de tombe. Et aussi parce que lʼ « impur » est comme le Lébé, ni mort ni vivant.
Dès l’égorgement, enchaînait lʼaveugle, le forgeron frappe le sol de son enclume. Il ne sʼarrête que quand tout est consommé. En frappant, il aide au déplacement des forces.
Ce sont les coups de lʼenclume qui provoquent le mouvement.
Extraits de Dieu dʼEau, Entretiens avec Ogotemmêli, de Marcel Griaule (1947).
Protocole / scénario / déplié / enchainement
1.
La veille au soir, alors que toute le monde attendait un responsable politique, un fou défonce le mur à coups de hache.
La cimaise est éventrée.
2.
Le matin, un peintre vient évaluer les dégâts. Il mesure.
Il revient avec des plaques de récupération de différents matériaux, épaisseurs et formats. Il les visse sur un quadrillage de tasseaux, à raz des BA13 de la cimaise défoncée, venant combler le trou du mur en un patchwork de couleurs et de textures. La géométrie et les nuances de l’assemblage.
Midi. Il part manger, laissant au sol les gravats...
3.
Entre un adolescent, qui vient se planter devant le mur et la composition. La tête entièrement dissimulée par la capuche de son sweat, les mains enfouies, il sort un walkman de sa poche, en ajuste les écouteurs aux oreilles. il se met à frapper sur les plaques. Comme par jeu. avec gravité.
Bois, bronze, béton, cuivre, acier, les diverses matières résonnent différemment. Entrecoupant le silence, le rythme récurrent reprend de façon lancinante, à intervalles réguliers. Peut-être reconnait-on les tambours de la March for the Funeral of Queen Mary de Purcell (1694). ou la transposition qu’en fait Wendy Carlos pour Kubrick en 1971 (A Clockwork Orange).
Les battements se mêlent aux bruits de pas et de portes qui claquent.
4.
Un ami vient. Il fait une pause, ils discutent. Il se remet à jouer. Lʼami commence alors à lʼenregistrer.
A un moment le joueur repart, comme il est venu.
On ne saura jamais s’il a un visage.
5.
Le peintre revient. Avec enduit, peinture, outils.
Il bouche les interstices, recouvre les plaques.
Après une pause pour le séchage, il peint en blanc la composition, qui disparait et se fond dans la continuité du mur.
Il range ses outils et sʼen va. Les derniers échos des « tambours » sʼéteignent alors que la peinture se matifie et que sʼeffacent les traces.
P.S.
Suite/ développement / rappel
Plus tard, un jour, un aveugle cherchant sa route sʼégarerait dans lʼespace blanc. Il frapperait le sol jusquʼaux murs, puis les sonderait à coups de canne. Arrivé à hauteur de la composition de bois, de métal et de pierre enfouie dans le blanc, il en reconnaitrait les sonorités. Il commencerait alors à rejouer les rythmes primitifs…
avec, dans l’ordre d’apparition :
le peintre : Mariano Angelotti
le joueur : Jean-Baptiste Moreiras
l’ami : Aymeric Ebrard
merci à Jérémy Chabaud et Martine Markovits.
Aymeric Ebrard pour  
 , acronyme de non-breaking space (espace insécable), correspond à la barre d’espace, la seule touche non caractérisée d’un clavier alphanumérique.